I- Les étrangers sur le sol Ardéchois en 1939 et après
A quels facteurs doit-on imputer la présence d'étrangers sur le sol ardéchois au moment de la Résistance ?
1) Une émigration d'origine économique
Dans les années 1920, des contingents d'immigrés quittent des pays pauvres à forte natalité pour des pays à fort développement industriel. Les exploitations minières dans le Gard et la Loire, départements voisins de l'Ardéche, recrutent des mineurs Polonais (une main-d'oeuvre très appréciée), et quelques Espagnols. On recense des ltaliens dans les exploitations de carrière (Lafarge...), dans le bâtiment, dans les coupes de bois et dans l'agriculture. Deux familles de fermiers italiens seront parmi les victimes de la tragédie survenue au hameau des Crottes à Labastide-de-Virac, le 3 mars 1944 (Voir Mémorial de la Résistance en Ardêche. en titre III)
2) L'arrivée de réfugiés politiques et divers
A partir de 1915, le gouvernement jeune-turc fait perpétrer un génocide des Arméniens dont on estime le nombre de victimes à 1 500 000. Une nouvelle occupation du pays en 1920 provoque un exode des Arméniens dont les descendants restent nombreux autour d'Aubenas et de Valence.
Des démocrates italiens fuient les persécutions et la dictature fasciste de Mussolini et de ses Chemises noires qui sévit après 1925 en Italie.
A partir de 1933, la dictature hitlérienne en Allemagne pratique les persécutions raciales (juifs) et politiques, bientôt étendues à l'Europe. La France est un pays d'accueil.
Devant l'avance puis la victoire des troupes franquistes sur la République en Espagne, et surtout après la chute de Barcelone en janvier 1939, les refugiés Espagnols républicains (soldats avec femmes et enfants) affluent, ils sont nombreux en Ardéche.
3) L'arrivée des réfugiés de la "Débacle" en mai-juin 1940
Apres la ''guerre-éclair'' qui voit une avancée foudroyante des troupes allemandes, et la déroute des armées alliées, des refugiés français, mais aussi belges et luxembourgeois, sont plus d'un million à fuir vers le sud dans les colonnes disparates de la ''débacle''.
4) La désertion de quelques "Supplétifs"
Ce phénomène plus tardif ne concerne que quelques élèments enrôlés plus ou moins contre leur gré dans les troupes hitlériennes au moment où celles-ci commencent à essuyer de sérieux revers sur tous les fronts.
La présence d'étrangers, souvent épinglée par la presse locale de droite, represente moins de 2% de la population totale ardéchoise : 5858 en 1932, 4283 en 1939 pour moitié Italiens (2329 en 1939), que suivent 599 Armeniens et 673 Espagnols. Mais au début de l'année 1939, à ces Espagnols, vont s'ajouter leurs compatriotes républicains, d'abord disséminés en 11 centres d'hébergement (Chomerac, Lamastre, Largentière...) où ils vivent en semi-liberté. Ces refugiés républicains sont, en 1939, évalués par le Journal de Privas à 1 850 (850 femmes, 890 enfants, 40 blessés ou malades, 70 vieillards de plus de 68 ans. (D'apres Jean-Louis lssartel dans le Cahier 42 de Mémoire d'Ardèche, Temps Présent).
II- Surveillance policière et répression intensive pour les étrangers
Avant même la déclaration de la guerre, dés le 12 novembre 1938, le gouvernement français crée des ''Centres spéciaux de rassemblement destinés aux étrangers indésirables''.
Ce climat de méfiance s'amplifie à partir de septembre 1939 avec l'affichage de slogans significatifs : ''TAISEZ-VOUS, MEFIEZ-VOUS, DES OREILLES ENNEMIES VOUS ECOUTENT''.
Les ressortissants allemands, juifs et antinazis, ayant cherché refuge en France pour échapper à la répression, sont traités en ''ennemis'' sous l'influence de certains chefs de l'armée française en retard d'une guerre. La plupart de ces réfugiés sont apprehendés et internés au tristement célèbre ''Camp des Milles'', près d' Aix-en-Provence ou ils sont d'ailleurs ''gardés'' sans ménagement par un bataillon de soldats d'origine ardéchoise, équipés d'une façon quelque peu hétéroclite mais jugée sans doute suffisante pour cette mission peu reluisante.
En 1942, le Camp des Milles est vidé de ses occupants - près de 2000 -, hommes, femmes et enfants qui sont livrés aux Nazis puis déportés dans les camps de la mort.
Nota bene 1 - La Tribune de Montélimar n°49 du 07/12/95
Taus les réfugiés politiques étrangers, quelle que soit leur nationalité, sont l'objet d'une surveillance policière intensive, parfois assignés à résidence. Quinze ressortissants britanniques (nos alliés de la veille) sont internés par Vichy à Vals-Ies-Bains en 1941-42...
Nota bene 2 - Archives du Musée de la Résistance. Dans le document de police (cote 43 ARAP 22), on peut lire qu'un refugié belge R.J., ayant quitté sa résidence à Aizac, a été arrêté à Marseille.
La surveillance est renforcée lorsqu'il s'agit de réfugiés politiques connus pour leur engagement contre le nazisme. C'est le cas des anciens combattants des Brigades internationales qui avaient apporté leur aide à la République espagnole.
Par courrier du 21 decembre 1943, le commissaire aux Renseignements généraux de Privas doit fournir au commissaire divisionnaire de Lyon un rapport sur le nombre et la situation des ''brigadistes'' residant en Ardeche.
Nota bene 3 - Archives du Musée de la Résistance cote 43 ARAP 22
Sur une liste de douze ''brigadistes'', on note deux ltaliens, un Autrichien, 5 Allemands (3 hommes, 2 femmes). Curieusement, sont mentionnés parmi ceux-ci :
On mesure par ces exemples combien il etait difficile et risqué pour ces étrangers, placés sous haute surveillance, de s'engager dans le combat clandestin de la Résistance. L'hommage, dû à ceux qui en eurent le courage, n'est que plus mérité.
III - Etrangers morts dans les rangs de la résistance Ardéchoise
Musée départemental de la résistance en Ardèche - 13, rue de la République 07400 Le Teil - France
:. Cérémonie du 21 février 2024 : Missak Manouchian et ses camarades de la résistance entrent au Panthéon :.